La parole

A l’heure du post COVID-19 où l’on s’interroge sur l’écologie et le sens de nos choix en général, pensons aussi à l’écologie de la parole et au sens de nos échanges. « Comme avant » ne suffira plus. Tous, dirigeants, managers, commerciaux devront être plus talentueux pour animer les équipes, entraîner les clients et faire passer les messages. Pour cela il faut savoir dialoguer.
Prendre la parole, puis la rendre
Si la relation est :
- la narration d’une histoire,
- l’écoute d’une histoire,
- la mise en route d’une nouvelle histoire commune,
c’est donc bien par la parole qu’elle peut naître, grandir, s’installer.
Or – et malheureusement – au fur et à mesure du développement gigantesque de la communication, on assiste à l’appauvrissement, plus qu’inquiétant, de la relation. Cela vient du fait que les gens prennent la parole, mais que plus personne ne donne la parole.
La parole est prise, mais elle n’est pas rendue. Elle est détenue, et non plus libérée. Elle est instrument de pouvoir, et non plus l'occasion d’un partage.
Et comme, il existe une interactivité entre les comportements, jamais plus qu’aujourd’hui, à l’agression d’une parole qui ne demande pas réponse, correspondent des comportements de frustration et de colère.
J’ai rarement entendu un prédicateur, un homme politique, un religieux, un vendeur, un patron, un père, un… décideur, quel qu’il soit, demander, à la fin de sa parole : qu’en pensez-vous ?
C’est de cette absence du « donner la parole » que vient ce déficit de démocratie que nous connaissons bien, cette culture de la confrontation permanente entre des vainqueurs et des vaincus.
Et pourtant, une des tartes à la crème contemporaine, c’est le dialogue !
C’est que l’on a oublié que dans liberté, il y a dialogue. Dans égalité, il y a dialogue. Dans fraternité, il y a dialogue (à condition bien sûr que ces trois vertus reçoivent leur pratique dans le quotidien des gens).
Et que l’on peut fort bien instaurer le dialogue comme solution à tous nos maux, puisque, de toute façon, on est bien décidé à ne pas se laisser modifier par l’autre ! On dit alors : dialogue de sourds, ce qui est tout un programme…
Dialoguer, ça n’est pas s’envoyer à la figure des discours préétablis.Négocier, ça n’est pas balayer les obstacles mineurs pour arriver à un compromis qui ne sera alors que le ventre mou de deux mensonges.
Dialoguer, négocier, c’est présenter un objectif, poser la question de savoir de quelle manière cet objectif est reçu, écouter la réponse, en tenir compte, et, suivant le contenu de cette réponse, rester, ou s’en aller.
Dans la mesure où la communication ne fonctionne plus sur d’autres modèles que les modèles publicitaires, à savoir, la vente (y compris et surtout, la « vente » des idées), elle crée des comportements soit de lassitude, soit d’endormissement, soit de rejet, soit de désintérêt total.
Il n’est pas étonnant que des regroupements communautaires aient un tel succès, puisqu’en leur sein, on nourrit l’illusion qu’ils sont le seul endroit où subsiste une liberté de penser. Alors qu’il n’existe en eux ni liberté, ni pensée.
Philippe de Lapoyade